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Auteur de l'article : Miguel Karam

Interagir avec les internautes est-il considéré comme du vrai journalisme ?

Les social media editors ont l'embarras du choix et ne savent plus où aller en même temps pour gérer une communauté en ligne.

Vous êtes-vous déjà posé la question sur l’identité de qui se cache(nt) derrière les comptes Facebook du Monde, du Figaro, de Rue89 ? Les comptes Twitter de France Info, France 2 et TF1 ? Est-ce un homme ou une femme ? Un jeune ou un vieux ? Est-ce même un être humain ou un robot ?

On the Internet, nobody knows you’re a dog [1] – à part la NSA – mais pour animer des communautés en ligne il faut bien quelqu’un. On les appelle les social media editors. Leur métier est très en vogue en cette ère connectée mais ils sont mal compris.

Non, ce ne sont pas des feignants qui ne font que passer leurs journées sur les réseaux sociaux. Non, ils ne font pas que nous annoncer qu’il est temps de manger. Ils ne sont pas non plus que de simples stagiaires embauchés par un site d’informations. Bon d’accord, peut-être, mais pour fédérer une communauté en ligne, la fidéliser et interagir avec elle, la presse prend une forme humaine grâce aux « éditeurs de réseaux sociaux », équivalent francophone de « social media editors ». Ces derniers font-ils donc du journalisme au vrai sens du terme ? Leur métier ne serait-il pas en risque de disparition vu que les internautes sont aujourd’hui à la fois sources et diffuseurs d’informations ?

Newroom de CNN, chaîne télé d’infos en continu

Quand un site d’informations décide d’humaniser le partage de contenus sur le web en embauchant un social media editor c’est dans le but de cibler une audience plus importante sur les réseaux sociaux mais aussi de travailler auprès des reporters, blogueurs, éditeurs, entre autres, pour qu’ils apprennent à utiliser correctement ces outils qui leur serviront de sources mais d’espace de promotion de leurs enquêtes aussi.

En réalité, le travail du social media editor consiste à sélectionner les articles qui peuvent intéresser les internautes principalement sur Facebook et Twitter, ses grands favoris. Ensuite, il faut adapter ces articles au format des réseaux sociaux en leur donnant un nouveau titre, plus court, plus accrocheur, plus clair ; rédiger un chapeau, un petit texte qui, en quelques lignes, va montrer l’intérêt de l’article ; puis éventuellement trouver une têtière soit un mot-clé pour Facebook et des hashtags pour Twitter, suffisamment forts pour inciter les gens à cliquer sur le lien. Il faut aussi assurer une sorte de service après-vente de l’article publié en répondant aux questions des internautes ou en amenant un complément d’informations en publiant d’autres articles sur le même thème, le tout avec un ton plutôt convivial, propice à susciter le débat chez les internautes. Néanmoins, garantir la qualité de ce débat n’est pas une tâche facile : là intervient le travail de modération qui consiste à supprimer les commentaires qui seraient insultants ou tout simplement hors-sujet.

Un autre aspect de ce travail est, comme nous le confie la social media editor de l’édition française du Huffington Post, Lauren Provost, d’être une sorte de vigie pour le reste de la rédaction : « Je suis chargée de repérer les sujets "qui montent" ou les contenus qui ont le potentiel de monter. Pour cela, je fais de la veille sur les différents réseaux sociaux, plusieurs sites du groupe ou des agrégateurs de contenus. Je sonde Google Trends... Tout un rituel matinal qui permet de trouver des sujets inédits, de nouveaux angles, des articles qui vont se partager, etc. […] J’envoie donc souvent ce que je trouve aux rédacteurs qui traitent ces sujets. »

De plus, tout social media editor est en quelque sorte un journaliste partiel mais tout journaliste n’est pas forcément un social media editor. Un journaliste ne pense pas forcément au marketing qui suivra la publication de son article ou comment le diffuser sur des réseaux sociaux particuliers à des créneaux horaires précis afin d’engendrer plus de trafic. Un journaliste lambda peut-il facilement faire passer un message en 140 caractères (Twitter) ? …en 6 secondes (Vine) ? …en 1 photo (Instagram) ?

Le rôle du social media editor va encore plus loin : il fait le tri entre les flux d’infos, les dernières tendances et ce qui fait le buzz avant de « vendre » une publication. Il analyse les circonstances de la publication d’un nouveau contenu sur les réseaux sociaux, mélangeant marketing et journalisme, faisant de la publicité et usant de la DSI… allant même jusqu’à représenter le site d’infos vu qu’il s’occupe de son image sur les réseaux qu’il anime !

Photo d'Arianna Huffington, créatrice du Huffington Post, prise à Paris en 2011, quelques mois avant le lancement de l'édition française du journal en ligne. Lors d'une conférence à propos du futur du journalisme, elle déclare que les médias aujourd'hui devraient intégrer la conversation aux faits d'actualité et qu'elle prévoit un "nouvel âge d'or" de la presse. Pour Arianna Huffington, créatrice du Huffington Post, les médias aujourd’hui devraient intégrer la conversation aux faits d’actualité, un "nouvel âge d’or" de la presse.

Un article publié sur Buzzfeed où l'auteur déclare la mort du métier de social media editor a fait polémique aux États-Unis (bien que le site ait de nombreux editors !) Un article publié sur Buzzfeed où l’auteur déclare la mort du métier de social media editor a fait polémique aux États-Unis (bien que le site ait de nombreux editors !)

À l’heure du crowdsourcing et du real-time web, les newsrooms ont-elles toujours besoin de social media editors ? Elles ne peuvent certainement pas se passer de personnes qui s’occupent de leur page d’accueil et de choisir rapidement et correctement quel(s) contenu(s) partager sur les réseaux sociaux. En cas de catastrophe naturelle ou d’attaque terroriste, c’est au social media editor de juger quelles informations sont appropriées à diffuser. C’est bel et bien du journalisme, du journalisme 2.0 où la conversation est intégrée aux faits d’actualité. Contrairement à une bonne partie des journalistes, le social media editor comprend le web et qu’interagir avec le public est essentiel de nos jours. Il sait comment les réseaux sociaux fonctionnent, comment il faut faire passer un message et publier une information. C’est un pro de la communication, toujours ouvert à la discussion.

Le métier de social media editor est aujourd’hui plus important que jamais et exige encore plus de responsabilités, de compétences et de capacités de communication avec l’ensemble de la salle de rédaction. La presse en ligne a besoin de gens qui sont constamment en train de tester de nouveaux outils pour séparer le bon du mauvais des informations, photos et vidéos partagées et tout trier avant de les intégrer dans des articles.

Le social media editor n’est pas mort, il évolue tout simplement.



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