Auteur de l'article : Miguel Karam
- Bonjour, pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Lauren Provost, j’ai 25 ans et je suis journaliste et responsable des réseaux sociaux pour Le Huffington Post depuis le lancement de l’édition française en janvier 2012.
- Comment êtes-vous devenue responsable des réseaux sociaux de l’édition française du Huffington Post ?
A l’automne 2011, alors que le milieu journalistique français venait d’apprendre l’arrivée prochaine du HuffPost en France, j’ai tout simplement postulé. J’étais encore étudiante au CFJ, mais j’ai obtenu le mail d’Arianna Huffington, et je lui ai envoyé une lettre de motivation originale ainsi que mon CV en lui expliquant pourquoi, même si je n’avais pas l’expérience requise, il fallait à tout prix me donner une chance.
Elle m’a répondu, a beaucoup aimé la démarche, et transféré ma candidature aux responsables français. J’ai ensuite passé les entretiens et j’ai fait partie des premiers membres de l’équipe. J’ai donc quitté mon école de journalisme 6 mois avant la fin pour travailler au Huffington Post (j’ai tout de même obtenu mon diplôme, c’était important pour moi).
Pourquoi ai-je été recrutée pour ce poste ? Car mon rédacteur en chef voulait quelqu’un de jeune, à la fois journaliste et spécialiste du Web et des réseaux sociaux. J’avais le profil et la direction a apprécié le blog que je tenais sur lexpress.fr à l’époque : Storytelleuse, un blog sur lequel je racontais des actus vues de Twitter, en intégrant des tweets et en mettant de l’ordre dans tout cela, ce qui était inédit à l’époque.
- À quoi ressemble votre quotidien en tant que social media editor ?
Une grande partie de mon temps est consacré au partage des articles du HuffPost sur les différents réseaux sociaux. Nous publions beaucoup sur Twitter et Facebook. Chaque article est publié sur Facebook et tweeté plusieurs fois quand c’est possible avec un crédo : s’éloigner le plus possible de ce que partagerait un robot, faire en sorte que le lecteur ait envie d’en savoir plus, de cliquer, de s’informer. Cela représente près de 20% du trafic du site, ce qui n’est pas négligeable et fait complètement partie de notre ADN.
Dans cette partie-là de mon travail, je réponds aussi beaucoup aux utilisateurs et modère quelques commentaires sur Facebook.
Ensuite je suis chargée de repérer les sujets "qui montent" ou les contenus qui ont le potentiel de monter. Pour cela, je fais de la veille sur les différents réseaux sociaux, plusieurs sites du groupe ou des agrégateurs de contenus. Je sonde Google Trends... Tout un rituel matinal qui permet de trouver des sujets inédits, de nouveaux angles, des articles qui vont se partager, etc.
Cette veille permet également de rester à jour sur les différents articles publiés sur le site ou du moins, de les enrichir avec des contenus propres au Web (photos, vidéos, tweets, etc.). J’envoie donc souvent ce que je trouve aux rédacteurs qui traitent ces sujets.
Côté rédaction, je me saisis de la plupart des sujets que j’ai repéré, surtout ceux qui tombent dans mon domaine d’expertise (ce qui a trait aux réseaux sociaux, à la viralité, à l’actu du Web). Je réalise par ailleurs des sujets plus approfondis sur les "tendances" du Web, parfois des enquêtes. Quelques exemples : une analyse récente du phénomène Selfie, une enquête sur les ados et Twitter, la social tv, ou encore sur l’achat de faux followers.
Je fais régulièrement des points sur les statistiques de nos publications sur les réseaux sociaux. A partir de ces données, je sais que telle ou telle formulation est plus accrocheuse qu’une autre, qu’un article marche plus qu’un autre et je peux proposer à la rédaction en chef de changer un titre ou de donner plus de visibilité à un article.
- Sur quels réseaux sociaux êtes-vous présente dans le cadre de votre métier ? Lequel préférez-vous et pourquoi ?
Nous sommes sur Facebook, Twitter, Google+ et, depuis peu, Instagram. Facebook est le réseau social le plus important pour nous car il nous permet de toucher plus de lecteurs que les autres, mais journalistiquement Twitter a ma préférence pour le vivier d’informations qu’il représente et le temps réel.
- Avez-vous le sentiment de vous occuper de l’image du HuffPost sur le net ?
Oui. Du moins sur les réseaux que j’anime. C’est souvent par ce biais que les lecteurs nous contactent et il est donc important pour nous de leur répondre. Et nos publications sur Twitter et Facebook doivent être en adéquation avec notre ligne éditoriale et le ton de notre site.
- Dean Praetorius, responsable des réseaux sociaux de l’édition américaine du HuffPost, a déclaré que "tout journaliste est social media editor mais que pas tous les social media editors étaient journalistes". Partagez-vous son avis ? Pourquoi ?
Je dois avouer que je ne suis pas fan du terme ’social media editor’, tout simplement car il veut à la fois tout et rien dire selon les postes, les médias, etc. Si vous avez une définition consensuelle de ce job, je suis preneuse !
Malgré tout, je vais donc dire que oui, Dean a raison dans le sens où, dans tous les médias, le social media editor n’occupe pas toujours un poste de journaliste. Quant à la première partie de sa phrase "tout journaliste est social media editor", je dirais qu’il est encore trop tôt pour généraliser mais que c’est ce vers quoi nous tendons. Au Huffington Post, tous les journalistes utilisent des contenus venant des réseaux sociaux, chez d’autres le mouvement est en marche et il va être difficile de passer outre.
- Les newsrooms ont-elle toujours besoin de social media editors à votre avis ?
Pour une rédaction Web, c’est essentiel selon moi.
— Interview réalisée par Miguel Karam, le 2 décembre 2013